Et nous sommes aussitôt pris dans un tournoiement, dans la rapidité des changements de perspectives et de colorations qui est propre aux rencontres les plus sensuelles, où l’intimité est touchée à fleur de peau dans ses changements, ses variations insaisissables, ses plans contrastés.
Ou bien c’est un ocre qui assouvit notre désir de couleur ou de pensée (Bullhead City, Arizona, 2019), mais nous manquons d’organe pour voir et pour sentir cet arrangement improvisé d’une pudique complexité qui va du vert au rose au gris et au bleu, rapprochant et dispersant sur le même plan tellement de lignes sinueuses que nous nous retrouvons sans le vouloir à la place de ce point brillant dans le ciel au dessus de la crête — quand tout le reste de l’image aurait le velours d’une langue car ce paysage (que l’on croirait corse, l’île natale de l’artiste) lèche notre œil humide, le lave avec un plaisir immense, granuleux et doux.
La photographie touche ici toute la discordance du visible avec la pensée. On est frappé par l’évidence et l’énigme de ces espèces de scène où aucun drâme n’a lieu, où les paysages sont la plupart du temps vide d’humains (les images où la figure humaine apparait s’approchent sans doute de quelque chose comme une cécité (…)
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Texte extrait de:
Paul Emmanuel Odin – Silent Show. La dissemblance de l’image à la pensée (le désir)